L’obscurité était crainte des mortels en cette époque, car elle recelait bien des dangers. Ses ténèbres abritaient en son sein bien des mystères que peu voulaient explorer. Elle suscitait les superstitions des plus croyants et se faisait pourtant amie des créatures immortelles. Au Bourbier,  Othello se souvenait de la ferveur avec laquelle les villageois se terraient dans leurs chaumières en espérant que personne ne surgisse pour toquer à leur porte.

Il se souvenait vaguement de la chaleur qu’avait émis son propre foyer à l’époque. Une vie qui lui paraissait si lointaine, qu’il aurait brûlé de retrouver mais qu’il était condamné à garder comme souvenir. Le jour où ses pas l’avaient mené au manoir il s’était juré de ne plus jamais se retourner sur ce passé, de ne plus regarder derrière lui. Habité par un espoir qui avait suffit à le tenir en vie, habité par la fougue d’une jeunesse qui l’avait aujourd’hui quitté. Jamais plus il ne retrouverait son foyer, jamais plus il ne reverrait le visage chaleureux de ses parents. Lorsqu’il quitterait Roncepourpre, il serait seul face à lui-même. Et dire que tous ces ronces se plaignaient de ne plus pouvoir rentrer chez eux. Pourtant, beaucoup d’entre eux retrouveraient un foyer. Serte changé mais un foyer tout de même.

Un jour pas si lointain pour lui mais qu’il n’était pas certain de voir arriver, pas de son vivant. Avec tout ce qui c’était passé qu’adviendrait-il de lui ? Quel avenir aurait-il sur ce territoire ? Quelle promesse d’avenir y avait-il dans les cendres d’un village aussi répugnant que celui du Bourbier, et sous l’égide des quelques vampires qui s’étaient révélés tous aussi exécrable en finalité. Il y avait de quoi craindre ce monde, on lui avait donné toute les raisons de le fuir. Il aurait du fuir depuis longtemps, bien plus tôt mais il aurait été sitôt rattrapé pour  être ramené, soupçonné de fuite et puni pour tenter de regagner la seule chose à laquelle il aspirait. La liberté. Or tout ce qu’Othello ne voulait pas s’était attirer l’attention sur lui.

Il avait préféré oublier toutes ces interrogations. En cherchant cette même obscurité que les humains fuyaient. Il s’y était au contraire terré un peu plus fort pour ne pas affronter les regards  réprobateurs, les réprimandes mais aussi les quelques figures connues qui le fixaient aujourd’hui avec dédain. Parce qu’ils ne le reconnaissait plus sous ses airs graves et esseulés. Parce qu’ils savaient que quelque chose avait du arriver, mais quoi ?  Certaines questions ne se posaient pas.

Fuir était sa seule solution et se réfugier dans cet endroit humide pour être oublié un confort douteux. Peu importe comment il fuyait  du moment qu’il le faisait. Les geôles étaient humides, froides mais d’un calme apaisant. Il y avait trouvé une certaine forme de sérénité, appuyé contre un mur de briques épaisses. Le corps endoloris par cette position qu’il n’avait pas quitté depuis. À dire vrai, à mesure que les jours passaient il sentait ses lèvres se déshydrater à mesure que le temps passait. Gagné par une fièvre qui avait rendu sa peau brûlante et humide il était resté appuyé la tête contre la pierre froide, soulagé de ne pas devoir suivre de rythme, de ne pas devoir se lever pour travailler à la serre ni d’être constamment surveillé. Dans cette cellule il s’était laissé aller à cette lente torpeur. Il pouvait enfin dormir, bercé par les quelques raisonnements des goutes qui tombaient sur le sol.

Dans l’échos sombre des lieux pourtant finit par surgir son prénom. Une ou plusieurs fois. Ses paupières se rouvrirent doucement pour regarder devant lui. Une silhouette lui était apparue. Floue et mal dessinée. Il ne parvint pas à savoir qui était là, ni à se souvenir combien de temps avait passé pour qu’on le cherche mais il ne tenta pas de répondre. Seulement de regarder entre ses paupières lourdes qui se tenait là.